Princesse Transparence (conte)

Voici un des premiers contes que j’ai écrit… il y a de cela de nombreux hivers :

Princesse Transparence

Il était une fois, dans un lointain et froid pays, une princesse qui vivait seule dans une immense demeure faite de neige et de glace. Elle ne sortait jamais car, dehors, un blizzard incessant soufflait avec une telle force que les tourbillons de neige qu’il soulevait formaient d’épais nuages qui masquaient le pâle soleil.

Elle ne parlait pas, et chez elle, il régnait un grand silence où bourdonnait le souffle du vent.

Une longue chevelure blanche recouvrait son corps nu et blanc. Chaque matin, la princesse brossait ses cheveux devant le grand miroir. Puis, le reste de la journée, elle écoutait ses pensées tout en guettant une improbable accalmie du blizzard.

Un jour qu’elle se mirait dans la psyché, elle remarqua que sa peau était plus claire que la veille. Elle ne s’en inquiéta pas puisque cela n’était pas douloureux. Mais cela occupa toutes ses pensées jusqu’au soir. Et le lendemain, au réveil, la princesse se précipita vers le miroir et vit que son corps s’éclaircissait.

Ainsi, jour après jour, la princesse assistait à cet étrange et indolore phénomène : elle devenait transparente.

Elle concentra tout son esprit sur cette lente métamorphose en essayant de lui trouver une explication, une origine ou un dénouement, mais en vain.

Puis, un matin, la princesse s’approcha du miroir et ne s’y vit pas : la psyché ne réfléchissait plus rien d’elle. Pourtant, elle était sûre d’exister. Elle sentait son corps sous ses mains, et ses cheveux dans ses doigts.

Elle décida de sortir.

Lorsqu’elle ouvrit la porte et fit un premier pas à l’extérieur, le vent cessa, les nuages de neige se dissipèrent, et le soleil, enfin libéré, apparut. Éblouie, la princesse cligna des paupières et vit, posé sur la ligne blanche de l’horizon, un magnifique arc-en-ciel. Elle se dit qu’il devait être là depuis très longtemps, rendu invisible par les tourmentes de neige. Elle imprégna ses rétines de ces sept nouvelles couleurs et se mit à marcher.

Elle marcha droit devant elle, sans se retourner, les yeux fixés sur l’arc-en-ciel.

Elle marcha longtemps au milieu de la vaste plaine blanche qui s’étirait à perte de vue.

Elle marcha pendant des jours, des semaines, des mois, peut-être des années…

Elle s’arrêta quand elle sentit que ses pieds foulaient une autre matière que la neige : quelque chose de souple et de beaucoup moins froid. En se penchant, la princesse vit que cela était de la quatrième couleur de l’arc-en-ciel. Elle remarqua aussi qu’au contact de cette matière, ses pieds en avaient pris la couleur.

La princesse trouva cela joli et continua son chemin.

Bientôt, elle aperçut au loin une immense étendue de la troisième couleur de l’arc-en-ciel. En s’approchant, elle découvrit que la surface en était lisse et brillante. La princesse se dit que ce devait être agréable de marcher dessus. Elle y posa un pied, mais il s’enfonça. Un peu surprise mais confiante, elle y glissa l’autre pied et fit quelques pas. La princesse aimait cette nouvelle sensation : l’étrange matière enveloppait ses jambes comme une douce peau. Elle y resta un long moment, puis décida d’en sortir. En regagnant la rive, elle vit que ses jambes étaient de la même couleur que cette matière.

La princesse trouva cela joli et continua son chemin.

Un peu plus tard, une énorme bosse se dressa devant elle. Elle était tachetée d’inombrables petits points de la deuxième couleur de l’arc-en-ciel. La princesse grimpa sur la bosse et tendit les mains vers ces petites formes rondes. Au moment où elle les toucha, ses doigts se teintèrent de la même couleur, ainsi que ses bras qui, eux, prirent une teinte plus foncée, proche de la première couleur de l’arc-en-ciel.

La princesse trouva cela joli et continua son chemin.

Plus loin, elle vit une maison qui était de plusieurs couleurs : couleur de neige, couleur de la matière sur laquelle on marche et de celle dans laquelle on s’enfonce. La princesse s’en approcha et y entra.

A l’intérieur, il ne faisait plus du tout froid. La princesse sentit sur sa peau un souffle d’air qui lui faisait du bien. Il semblait provenir d’un des murs sur lequel dansaient la cinquième et la sixième couleur de l’arc-en-ciel. La princesse voulut les toucher, mais elle retira aussitôt sa main car cela lui fit mal. Elle recula un peu, et se tint à l’endroit où le souffle était le plus doux. Elle remarqua que son ventre et sa poitrine se coloraient des mêmes teintes.

La princesse trouva cela joli, s’allongea et s’endormit.

Elle fut réveillée par deux caresses : une dans ses cheveux, et l’autre sur ses lèvres. Aussitôt sa bouche et sa chevelure devinrent de la septième couleur de l’arc-en-ciel.

La princesse ouvrit les yeux et découvrit l’Autre.

Elle entendit : « Bonjour Princesse Arc-en-ciel. »

Léa VILER – 1999

arc-en-ciel

2 réflexions sur “Princesse Transparence (conte)

  1. marj 14 janvier 2017 / 13 h 03 min

    joli texte et jolies idées…un écrit déjà prometteur! Bonne année et beaucoup de succès à toi, Léa…

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